Le GR5 Alpin traverse les Alpes du Lac Léman jusqu’à Nice sur près de 600 kilomètres, ponctués par 30 000 mètres de dénivelé. Je l’ai fait en aout 2018, en 20 jours. Passionné de randonnée et attiré par la Montagne, c’était pour moi une évidence de faire un jour ce magnifique GR, en une seule fois. Et aujourd’hui, je souhaite partager le récit de cette expérience avec toi.

J1 : Le Lac Léman

Allez c’est parti, premier objectif : arriver sur la rive sud du Lac Léman. Un voyage inoubliable pour moi, rapport à ma première expérience de BlaBlaCar qui a commencée et finie sur une aire d’autoroute… « ah ba j’ai oublié de prendre la sortie… ». Bon. Ce sont les aléas du voyage. Et après tout, la randonnée c’est aussi l’apprentissage de la patience… En plus, je ne suis pas à un jour près.

Alors je prends 3 trains successifs qui finissent par me déposer à la gare de Thonon-les-Bains. Thonon et Saint-Gingolph étant les 2 départs du GR5 côté Sud. Et c’est le début du voyage avec une magnifique vue.

On quitte le niveau de la plaine du lac, et plus on s’élève, plus on la voit dans son intégralité. Une immense tâche bleue au milieu des montagne… Wahoo, c’est magnifique. D’ailleurs, « Wahoo c’est magnifique », je vais le dire tous les jours, durant les 20 prochains jours que va durer mon GR5. A chaque fois que l’on arrive à un col, on voit les deux versants.

Derrière, celui que l’on vient de traverser à pied. Et par temps clair, on voit au fonds du panorama un col au loin et l’on peut se dire « Ah ! J’y étais il y a un jours ou deux ! ». En goûtant à la satisfaction d’avoir parcouru cette étendue avec nos propres jambes. Et pour des sédentaires comme nous habitués à la voiture ou au RER, les premières fois c’est vraiment surprenant…

Devant, là où on sera dans un ou deux jours, là ou on verra le col sur lequel on est en ce moment même en pensant exactement à la même chose. C’est-à-dire : « Tiens, j’y était hier ou avant-hier ». Ca, cette sensation, cette perspective, c’est quelque chose que j’adore dans la randonnée en montagne.

J2 : Bise

La surprise ! En fin de journée de mon 2eme jour de marche je redescend vers le refuge et la ferme de Bise. La redescente est sympa, surtout que c’est l’heure de la traite des vaches, et elles sont en train de se faire ramener à la ferme par pleins de gens. Pleins de gens ? Oui, tous pleins de gens partout !

C’est la fête à la ferme aujourd’hui, c’est noir de monde, voitures, musique, bière, rires, brouhaha… Franchement, le genre de « fête de village » que j’adore. Mais là, si je suis parti sur le GR5, c’est aussi pour profiter du calme de la montagne quelques semaines. Alors je passe vite fait à la ferme acheter un bout de fromage (quand même, il ne faut pas se laisser aller), faire le plein d’eau, et on m’indique un endroit ou l’on peut bivouaquer à 2-300 mètres au sud. Un peu plus au calme.

Un endroit de bivouac bourré de grosses pierres et d’herbes hautes, mais effectivement, le voisinage est plus calme qu’en bas. J’y rencontre une randonneuse Vaudoise, on dîne ensemble en se racontant nos histoires de rando et de montagne.

Quelque part sur le GR5
Quelque part sur le GR5

J3 : Le Lac Vert

Le Lac Vert… Un souvenir inoubliable. Là on commence à prendre de l’altitude, tellement qu’on arrive dans l’étage de pâture, au-dessus de l’étage forestier alpin. D’ailleurs, pour avoir traversé tous les massifs montagneux français sur des GR, le GR5 met vite dans l’ambiance. C’est-à-dire que les premiers jours, ça monte dur : le lac Léman est à 400 mètres d’altitude, et le point haut du GR5 à 2700m.

Ca monte et il fait très chaud durant ce mois d’aout 2018… j’aurai presque envie de me baigner dans un lac ! Ca tombe bien, je tombe sur le Lac Vert. Levé avant l’aube, pour commencer ma journée à la fraîche, j’y arrive vers 14 heures. Un petit repas, une petite sieste, et je plonge dans l’eau du lac qui est délicieuse ! L’endroit est tellement charmant que je décide d’y planter le bivouac, et de retourner encore me baigner.

Le soir, bonne ambiance au refuge ou il m’a été permis de me réfugier pour me protéger de l’orage qui éclate juste au-dessus de nous. Spectaculaire. Une bonne occasion de faire des rencontres, avec Alon, un Israélien qui fait le GR5 en entier, et un trio de randonneuses françaises.

La partie la plus connue et pratiquée du GR5 est sa partie alpine, dont nous parlons aujourd’hui. Cependant, Alon lui est parti de la Mer du Nord, en Hollande, pour rallier la Méditerranée à Nice. 2 500 kilomètres, avec notamment trois massifs montagneux d’affilés : les Vosges, le Jura, puis les Alpes.

Tout ça représente une belle randonnée, et on peut avoir une petite appréhension de se lancer dans une telle aventure, avec tant de kilomètres et qui monte parfois haut en altitude. Depuis que je suis revenu de mes grandes marches j’aide les randonneurs à se préparer grâce à la formation vidéo. On y voit ensemble tout le contenu du sac, la préparation physique, les cartes, GPS et ravitaillements, ainsi que les connaissances de base à avoir en montagne. Pour plus d’infos, ça se passe ici :

J4 : Anterne

Le lac d'Anterne et sa falaise...
Le lac d’Anterne et sa falaise…

Anterne, à un jour de marche au Nord du massif du Mont Blanc. C’est la que je me suis vraiment senti dans la Montagne. Pas d’habitation, pas de remontée mécanique, une pâture d’altitude bien grasse, une rivière pure (et un petit peu fraîche, pour y avoir pris ma douche le soir…) au pied d’une formation géologique vraiment magnifique…

En plus la fin de cet après-midi a été marquée par des orages. Ca c’est le grand jeu de cache-cache de la randonnée estivale en montagne. Passer entre les orages. Enfin… pour être honnête, plutôt prier pour que les orages passe autour de nous surtout, et bien réagir quand on s’en prend un. Moi j’applique ma méthode DPA, et tout se passe bien.

J5 : Les Houches

Départ matinal. Comme tous les matins d’ailleurs… Plus je me lève tôt, plus je marche longtemps à la fraîche, quand la température est encore supportable. Et plus je me lève tôt, moins je m’expose au risque d’orages en fin d’après-midi.

En plus, à l’aube, la montagne est calme : pas de voisins à cette heure-ci, peu de vent (c’est l’accalmie statistique de l’aube)… Alors longer la barre d’Anterne, dans une demi-obscurité, dans un silence total donne un charme, une ambiance… vraiment extraordinaire à ce GR5.

Ce matin, je vais croiser et recroiser 4 fois un charmant couple de randonneur, May et Thiven. On se double au gré de nos pauses, l’occasion d’échanger et de rythmer sa journée de marche.

Et à un moment : ça y est ! Depuis 2 jours, aux cols à chaque fois que le temps est suffisamment clair, je le devine ou l’imagine, quelque part devant moi. Et une fois arrivé au Brévent, je le vois, juste là. Énorme. Majestueux. Couronné de son glacier. Le Mont-Blanc. Je suis debout sur la pointe du Brévent, la profonde vallée de Chamonix s’ouvre sous mes pieds, avec ses 1 500 mètres de profondeur… et de l’autre côté, l’énorme massif du Mont-Blanc est là.

Vue sur le Mont Blanc depuis le Brévent
Vue sur le Mont Blanc depuis le Brévent… Wahoo…

Wahoo… C’est magnifique. Ce blanc, ses glaciers auxquels je ne suis pas habitués, ses nuages qui se forment et tournent autour de sa tête, sa taille gigantesque… Le Mont Blanc c’est un peu un rêve pour beaucoup d’entre nous. Et bien, ne faire que l’approcher à pied et le contourner m’a procuré vraiment beaucoup d’émotions.

En revanche, l’arrivée au Brévent c’est aussi un petit choc. On passe de croiser quelques randonneurs par jours sur le petit sentier à… l’attraction touristique qu’est la remontée mécanique du Brévent, qui déverse un flot ininterrompu de touristes bruyants en tong, qui se plaignent qu’une bouteille d’eau de 50 cl à 4€ c’est trop cher, etc etc… Après l’extase de la beauté du Roi de la Montagne, j’accélère pour me barrer de ce brouhaha le plus vite possible ^^ ! Objectif : redescendre d’une traite les 1 500 mètres de D- qui me sépare des Houches, où je dors.

Apparté : GR5, TMB, GR20 ou les 3 ?

Un court aparté pour resituer le contexte de mon GR5… L’année d’avant, ma vie a pris un tournant. Après avoir mis 7 ans  à comprendre que ma première carrière ne me convenait pas, je suis parti m’aérer un petit peu. Par exemple, en partant marcher 5 000 kilomètres en 6 mois, de Faro, au sud du Portugal, jusqu’à Paris. Pour lire cette histoire, ça se passe juste ici :

Lien vers l’article de FrancIbéria : 5 000 km, 6 mois, 3 pays

Partir à Faro, au Portugal
Partir à Faro, au Portugal

Après cette première grande expérience, l’évidence me vient : je démissionne et lance mon activité de formateur en randonnée. Hé oui, bercer dans notre confort, nous avons beaucoup d’appréhension à partir vivre des expériences comme celle-ci. De plus, après avoir croisé des milliers de randonneurs, trekker, pèlerins sur les sentiers, le constat est sans appel : trop de blessures, et toujours les mêmes.

Alors j’ai créer une solution pour aider les randonneurs à se préparer avant de partir, pour ne plus se blesser et vivre à 100% l’expérience de la randonnée, en prenant son pied. Et je ne suis pas du genre à parler de ce que je ne connais pas. Donc, avant d’aider les autres à préparer leurs randos, il fallait que je les fasse moi-même. C’est comme ça qu’à germer l’idée dans ma tête d’enchaîner le GR5, le TMB (Tour du Mont Blanc) et le GR20, la mythique traversée de la Corse.

Donc à ce stade du récit, il y a une micro-coupure de 5-6 jours où je pars faire le TMB. En fait, TMB et GR5 ont une partie commune entre Les Houches, et le Col de la Croix du Bonhomme. L’un part faire le tour du Massif du Mont-Blanc, pendant que l’autre continu vers le Sud. L’histoire de la « coupure » TMB se passe sur ce lien :

Mon TMB en 5 jours de marche

Vue du Col de la Seigne sur le TMB

J6 : Refuge de la Balme

Aujourd’hui il pleut… C’est le game. La randonnée c’est aussi l’apprentissage de la pluie. On peut être énervé, déçu, avoir un super poncho, ou le tout dernier HardShell : j’ai tout essayé, ça n’y changera rien. La seule façon de vivre la pluie c’est…

L’acceptation. Elle change la vie. Et pas que en randonnée, même quand on rentre dans la « vie normale ». Avant quand j’étais au bureau et que je regardais la pluie tomber par la fenêtre, je déprimais. Maintenant ? Maintenant c’est génial, je suis tellement reconnaissant d’être dans un bâtiment en dur… En plus, j’ai une petite pensée pleine de compassion pour tous ces gens qui sont en train de se faire tremper dehors…

D’ailleurs cette reconnaissance, cette gratitude pour tout le confort que nous avons est décuplée maintenant que je fais pas mal de rando. Un toit ? Wahoo ! Un toit que je n’ai pas besoin de porter toute la journée dans mon sac ? Wahooo ! L’eau chaude ? Youhooo ! Et pareil pour la lumière, le matelas, le frigo, l’eau potable courante etc etc…

Mais aujourd’hui il pleut, ça mouille, je l’accepte et je fais une petite journée. En effet, arrivé au pied du col de la croix du bonhomme un choix s’offre à moi : soit tenter l’ascension dans le nuage, sur les pierres trempées et glissantes sans pouvoir planter la tente avant d’arriver à l’aire de refuge là-haut… mouais… soit s’arrêter dans l’aire du refuge de la Balme, en profitant d’une petite accalmie de 5 minutes pour planter la tente. C’est plus sûr, et c’est l’occasion de dîner avec May et Thiven en se racontant des histoires de montagne, de loups et de patous…

J7 : Montchauvin

Ce matin, la magnifique ascension du col, dans un brouillard à couper au couteau, sur le 1er et seul névé sur je croiserai sur le GR5. C’est l’avantage de le faire au mois d’aout. L’ambiance est fantomatique, je n’ai même pas vu le superbe lac qui est pourtant juste à côté de moi. Une fois arrivé au Col, je suis en plein soleil et surplombe la mer du nuage plus en contre-bas, dans la vallée : une vision enchanteresse. C’est ça qui est bien aussi dans la nature. En une heure on passe d’un brouillard purée de pois, à un parfait ciel bleu au-dessus de la mer de nuage… de l’ombre à la lumière.

Le panorama du refuge de la Croix du Bonhomme est aussi superbe, ainsi que la ligne de crête qui redescend vers le lac de Roselend. Puis, on se laisse couler dans la vallée de l’Isère, une large vallée verdoyante. Ici, nous ne sommes plus dans l’ambiance « haute-montagne », Mont-Blanc et compagnie… mais plutôt vacances tranquille en famille.

Couché de soleil électrique depuis MontChauvin
Couché de soleil électrique depuis MontChauvin

Enfin, je pousse jusqu’à Mont-Chauvin où j’arrive un petit peu tard, m’offre un camping avec sa douche chaude, paye dans la boîte au lettre, et m’endors devant un couché de soleil qui illumine les nuages d’une drôle de lueur… une lueur orangée. Ce sont d’énormes Cumulonimbus striés d’éclairs qui doivent se déverser aux alentours du Massif du Mont-Blanc. Tiens, c’est là où j’étais ce matin. Une petite pensée pour mes amis randonneurs qui y sont, et je m’endors après cette belle journée de marche.

La Suite ?

Le récit de la fin de mon GR5 arrive bientôt. Nous partirons ensemble au Val d’Isère, dans les grandes stations de ski d’altitude (véritables parc d’attractions pharaoniques), la magnifique citadelle de Briançon et ses environs, ma nuit catastrophique au Col de la Mallemort, Modane, le Mercantour, ma rencontre avec 11 patous en même temps, pour enfin, un jour peut être… arriver à Nice.

L'arrivée du GR5 à Nice
L’arrivée du GR5 à Nice

Et là, ce sera la cerise sur la gâteau. Après 20 jours de montagne, à se laver dans les torrents d’altitude à 8°C, nous pourrons nous jeter à l’eau, dans l’eau presque insupportablement chaude de la mer méditerranée ! Mmmh… rien que d’y repenser, j’en ai des frissons de plaisir…

N’hésite pas à me dire en commentaire ce que tu as pensé de cet article, je lirai ton retour avec plaisir et y répondrai, comme toujours.

A très bientôt,

La suite du récit de mon GR5 :

Partie 2/3

Partie 3/3

David


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QUI SUIS-JE ?

Je m’appelle David Blondeau, et après avoir marché 15 000 km de trek en autonomie j’ai passé ma Certification Professionnelle en randonnée. Depuis 2017 j’aide les randonneurs & trekker à se préparer à partir léger et en sécurité sur les sentiers ! Notamment grâce au blog, mais aussi aux stages de trekking, formations vidéos et mes coaching 🙂