Après avoir marché 7 jours ensemble sur le GR5 du Lac Léman au Montchauvin dans la première partie de ce récit, nous allons continuer ensemble notre marche vers le Sud. Tout au bout là-bas, quelque part derrière toutes ces montagnes, elle se cache, elle nous attend… la Mer méditerranée bien sûr ! Et nous l’atteindrons un jour. On pourra même peut être s’y baigner si on en a envie. Oh oui que l’on en a envie, surtout après 1 mois à prendre des douches de bivouac dans les torrents de montagne disons… un peu frisquets…
J8 : Montchauvin – Val d’Isère
Mais restons dans nos montagnes pour le moment. Nous sommes venus pour ça d’ailleurs. Lorsqu’on se lance sur le GR5 alpin, c’est avant tout pour traverser les Alpes de bout en bout. Après le coucher de soleil électrique d’hier soir, je me réveille à MontChauvin tôt, comme d’habitude, et repars vers le Sud, comme d’habitude.
Le GR longe la vallée du Ponturin, et monte, monte, monte sans s’arrêter. On traverse l’étage forestier, puis on arrive dans la pâture, un peu avant 2000 mètres d’altitude (je cite ce chiffre approximatif de mémoire, je rappelle que j’écris 2 ans après avoir fait mon GR5). Un paysage vraiment magnifique, car la vallée est étroite, encadrée par des montagnes de plus de 3 000 mètres.
On continue à monter et on arrive dans l’étage minéral. A chaque fois c’est pareil comme ressenti. Quand j’arrive dans la pâture déjà, je me « sens » différemment. Je me sens bien, dans la montagne, au calme. La vue est différente de la vie dans la vallée. Les odeurs aussi. Et quand arrive l’étage minéral, à environ 2200-2300m, je ressens que l’endroit n’est pas fait pour la vie de l’humain, mais justement… c’est souvent la promesse d’une certaine solitude, j’avoue recherchée.
Je passe le Col du Palet, le point le plus haut du GR pour le moment, à 2652 mètres d’altitude. Puis on redescend vers…
Tignes
… Tignes. Oula. Qu’est-ce qui se passe ici ? Elle est où ma solitude recherchée, au calme, sur les sentiers de la montagne sauvage ? Disparue, instantanément. Vraiment cela a été un choc pour moi de voir ça.
Tignes, un mélange entre un centre commercial et un parc d’attraction pharaonique, le tout enclavé dans une vallée minérale striée de remontées mécaniques. Le paradis de la distraction. Il y a tellement de chose à faire, partout et tout le temps, qu’on ne peut pas s’ennuyer une seule seconde ici.
Faute de neige, on y descend les pistes en VTT à toute blinde. On y fait du cheval, des balades en… je ne connais même pas le nom de ce truc en fait.. une espèce de patinette 4*4 électrique géante, du pédalo etc etc… Il y a même un golf ! Et en ville c’est pareil, centre commercial, bar, boite de nuit… il y en a pour tous les âge.
On y est aspiré par toutes les distractions artificielles imaginables qui puissent sortir de la tête d’un marketeur… sans jamais contempler une seule seconde la beauté de la nature et de la montagne. Jamais.
Je n’en ai pas après Tignes en particulier attention, mais le décalage entre notre monde moderne et la nature m’a sidéré. Oui, moi aussi à un moment j’ai apprécié l’argent, la distraction, la vitesse, les sensations fortes, les vacances au ski, le prix de loyers des stations (lol)… mais j’en suis arrivé à un point de saturation. Une overdose de toute cette m*rde.
Si l’humain voulais faire pire pour s’éloigner de la réalité et de la nature… sincèrement… je ne sais pas comment il pourrait faire. C’est comme si notre monde était conçu pour que surtout, surtout ! Personne ne regarde la nature, et encore moins y vive. C’est aussi pour cela que j’ai tout quitté. Pour fuir ce non-sens, et retrouver le vrai.
J9 : Val d’Isère – Le Collet
Mais reprenons le cours de notre GR5… Après une nuit dans un petit bois, non loin de Val d’Isère, je reprends mon chemin. On re-traverse l’étage forestier en remontant, puis on prend le vallon de l’Iseron, on monte, on monte et on finit par arriver au point le plus haut du GR5 : le col de l’Iseran, à 2764m.
Wahoo… C’est magnifique. Je contemple la vue, et vient m’abriter contre le mur de Notre Dame de Toute Prudence pour prendre un bon repas, après cette belle ascension de près de 1000m de D+. Puis, comme souvent en montagne, c’est l’heure de la redescente.
Petite anecdote, c’est ici la seule fois que j’ai perdu la trace du GR5. Juste avant d’arriver à Bonneval-sur-Arc, il y a une bifurcation entre le GR5 qui continue sur les hauteurs, et la variante GR5E qui redescend en fonds de vallée. L’herbe est haute, je n’utilise pas encore de GPS à ce moment-là, et je perds la trace de mes petits traits blanc et rouge… Qu’importe, tous les chemins sont beaux. Je fais demi-tour à l’air de décollage de parapente, et redescend sur la variante en fonds de vallée.
Je ne regrette pas ce coups du sort, car la vallée de l’Arc est vraiment magnifique ! Je l’a redescend très doucement jusqu’à ce que le soleil se couche derrière l’horizon, l’heure de planter le bivouac.
J10 : Le Collet – Modane
Au Collet, le GR5 remonte sur le versant sud du massif, et reste perché là-haut, en longeant la vallée, jusqu’à redescendre à Modane. L’ambiance et le climat est en train de changer ici. Je ressens que l’été, la Savoie ressemble à la France du Nord que je connais bien (j’entends au nord de la Loire). Et maintenant je me crois déjà en Italie, ou en Provence…
C’est à ce moment que je décide d’organiser un week-end de repos avec mon amie, dans une ville suffisamment desservie en infrastructure. Elle descendra de Paris jusqu’à Briançon, et y sera après-demain midi.
Modane – Briançon à pied en 36 heures ? J’ai été un peu optimiste peut-être, mais bon… d’une part je suis un garçon optimiste. D’autre part, l’idée de retrouver une amie après 10 jours de marche en solitaire dans la montagne me motivera certainement à avancer vite…
J11 : Modane – Lac de Cristol (sur le GR5C)
Effectivement, parti avant l’Aube de Modane, le GR5 puis le GR5C me fait passer près du Mont Thabor, puis redescendre à Névache, puis remonter jusqu’au lac de Cristol où je plante le bivouac à la nuit tombante. J’adore les bivouac à 2250 mètres d’altitude, je me sens vraiment immergé dans la nature. Ce soir, j’ai pour seuls voisins, de l’autre côté du lac, un papa et son fils de 8 ans, parti faire un petit tour dans la montagne.
Au point topo du soir, avant de me coucher, je me rend compte qu’il va falloir se lever tôt pour arriver vers midi à Briançon.
J12 : Lac Colistar – Briançon
Départ (très) matinal, dans ce décor de rêve. Imagine-toi un instant quelque part dans la montagne, à 2200m, dans une pâture toute douce, marcher sur un sentier en longeant de petits lacs d’altitude, dans une vallée entourée de montagne. Le tout alors que le soleil n’est pas encore levé. Mmmh… en fermant les yeux, j’ai l’impression d’y être à nouveau. J’ai l’impression de sentir l’odeur de la végétation de là-haut, et le léger souffle de l’air sur moi. D’entendre le silence de la montagne. Délicieux.
Perplexe devant les différentes variantes qui s’offrent à moi pour redescendre vers Briançon, je choisis un peu au hasard un truc qui s’appelle « GR5C variante ». Je ne vais pas être déçu, car je vais faire le plus beau passage de mon GR5. En fait, GR5C, c’est la variante par la ligne de crête. Heureusement que je ne le savais pas, sinon, par appréhension de mon vertige, je ne l’aurai pas fait.
D’ailleurs, je suis à la limite de mon vertige, et je serre un peu les fesses aux endroits les plus vertigineux de cette variante. Mais bon, je suis attendu en bas, plus le temps de faire demi-tour sauf en cas de danger réel, il faut y aller maintenant. Alors j’y vais et cette vue de la Crête de Peyrolle jusqu’à la Croix de Toulouse est vraiment magique…
Si tu comptes faire le GR5, et que tu n’es pas trop sujet au vertige, je te recommande vraiment cette variante par temps clair, elle est magnifique. D’ailleurs, je t’aiderai avec plaisir à bien prépare ton GR5, et j’ai créé la Formation GR5 justement pour cela, tu la trouveras juste ici :
J12,5 – 13 : Repos à Briançon
J’arrive à Briançon avant mon amie, l’y accueille et nous passons un bon moment dans cette superbe cité d’altitude. Petit tour dans les montagnes, visite de la forteresse de Vauban, etc etc… Un endroit tellement charmant que c’est tentant d’y vivre.
J14 : Briançon – Ceillac
Après un jour et demi de repos qui a bien régénérer mon corps, c’est reparti. J’ai tellement d’énergie que ce jour là, mon GPS me dit que j’ai marché 38 kilomètres, et mes calculs donnent 2400m de D+ et 1900m de D-. Là ça commence à faire une belle journée de marche ! Attention, sans préparation physique adaptée, le risque de blessure est significatif à ce niveau-là.
En terme de paysage, petit passage à Château-Queyras, et de mémoire, il me semble avoir redescendu un versant sud d’un massif très érodé qui donne l’impression d’être.. ailleurs que sur Terre. Ce passage géologiquement surprenant est dans ces environs, mais je ne suis plus sûr à quelques jours de marche près.
D’ailleurs, avec le recul je peux voir une corrélation entre l’attention portée au fait de faire beaucoup de kilomètres, et le niveau d’intensité du moment présent et donc de souvenirs. A l’époque où je fais mon GR5, je suis un jeune homme plein d’énergie. La randonnée est un excellent et sain moyen de la dépenser. Donc je me concentre sur marcher beaucoup. Aujourd’hui, s’il y a une seule leçon à retenir des 15 000 kilomètres de trek que j’ai fait ces 3 dernières années, c’est celle-ci :
« Plus je marche, Moins je marche vite… »
Alors, grâce à ce recul, je comprends les randonneurs qui attachent de l’importance à marcher beaucoup de kilomètres, j’étais l’un d’eux. Et… je comprends les randonneurs qui prennent leur temps : je suis de plus en plus comme eux ! 🙂
J15 Ceillac – Col de Mallemort (Larche)
Encore une bonne journée de marche, et en fin d’après-midi, j’arrive dans un endroit surprenant. Un fort abandonné, au pied du Col de Mallemort. A ce moment-là, je n’ai pas regardé la carte et ne connais pas encore le nom de cet endroit charmant, et si accueillant.
L’ambiance est lourde. Je passe la porte du fort, pour voir ce qu’il y a à l’intérieur. Là, l’ambiance est clairement sinistre. Ca sent la mort. Je me croirai dans un western, il ne manque que la boule de paille qui roule dans la cour déserte d’un fort en ruine, sur un fond sonore d’harmonica…
Je continue et franchi le Col, sous la bonne garde d’un fortin, la batterie de Viraysse. Elle continue à monter la garde, au cas où les Italiens en armes passent la frontière certainement. Je redescend un peu et m’arrête au bord du plateau un peu en contrebas. Il est tard, je n’ai pas envie de me taper la grande descente jusqu’à Larche ce soir, je plante le bivouac.
Un vent glacial se lève, fait brutalement chuter la température et secoue ma toile de tente. Alors je mange allonger dans ma tente, comme je fais d’habitude quand je me protège des éléments.
La MalleMort…
Et là, commence une longue nuit quasi-blanche. Je n’arrive pas à trouver le sommeil, ni à trouver une position confortable ce soir… Je m’endors fiévreusement au milieu de la nuit, tout ça pour me réveiller en sueur d’un cauchemar qui me fait me lever d’un bond, avec la sensation d’être la proie de quelque chose qui s’approche…
Bon. Le matin je me lève quand même tôt, courbaturé, mais pas fâché de quitter cet endroit maudit le plus vite possible. Plus tard dans la matinée, quand je regarde la carte, je vois ce nom horrible de «Mallemort »…
Mallemort… déjà, mourir… on a parfois une petite appréhension. Mais mourir mal ! Tu imagines ? Je me dis que je regarderai mieux les noms des lieux avant de planter ma tente désormais…
Sauf que un an plus tard… je referai exactement la même erreur ! Lors de mon expédition Paris Cap Nord à pied, j’ai planté le bivouac près de Maroilles, dans une belle forêt. Même chose, je n’ai presque pas dormi de la nuit. Une sensation désagréable. En plus, la forêt grouille de hardes de sangliers qui n’ont pas arrêtés de venir farfouiner près de ma tente en grognant… Le matin je regarde ma carte : je viens de dormir dans la forêt de MortMal !
La suite
La suite de mon GR5 nous conduira à Saint Étienne de Tinée, prochain bivouac. C’est le début d’un autre monde. Comme nous en avons parlé au début de ce récit de voyage, j’ai été très étonné de la diversité des climats en traversant les Alpes.
Pour moi, l’homme du Nord, les Alpes c’était vaguement l’endroit à touriste où il y a des montagnes pour faire du ski l’hiver, quand il fait froid… En réalité… c’est un peu plus riche que çà. Surtout l’été. Les Savoies sont vertes, et « normalement » pluvieuses. Le Dauphiné se réchauffe et s’assèche nettement. Avec le Mercantour, j’ai eu l’impression d’arrivée au bord de la mer méditerranée. Dès Saint Etienne de Tinée !
Alors je t’emmènerai traverser le Mercantour au rythme de ma plume, et te baigner dans la méditerranée qui se rapproche à grand pas… dans la troisième et dernière partir de ce voyage sur le GR5 🙂
A très bientôt,
David
2 replies to "GR5 : les Alpes en 20 jours Partie 2"
Salut, Je compte faire le GR57 cet été, j’arrive en train à Briançon et comme il n’y a pas de navette pour aller jusqu’à névache, j’ai vu qu’il était possible de faire briançon -> névache en montant jusqu’aux crêtes de peyrolle puis jusqu’au col de Granon… je suis sensible au vertige et je marche seule…je ne lis que des personnes qui l’ont fait dans le sens névache–>briançon et non l’inverse..est ce qu’à partir de tes souvenirs cela semble plus difficile depuis Briançon en remontant jusqu’aux crêtes ? je vois qu’il y a aussi le tracé du GR5C sans faire la variante si besoin…j’essaie d’en savoir plus 🙂 en te remerciant par avance si tu as des précisions !
Salut Fanny, c’est une excellente question :). De mon expérience et mon ressenti (qui est très personnel), le vertige est plus impressionnant en descendant qu’en montant. Toutefois, si tu veux éviter les passages vertigineux, surtout évite le GR5C Variante par la crête de malefosse et la petite Peyrolle. Le GR5C tout court sera moins impressionnant. Et pour encore plus « soft » en termes de vertige, tu peux longer les lacets de la route reliant la Vachère à Serre Lan ( au Nord Ouest de Briançon), et de là reprendre le GR5C vers le col du Granon